Manifesto

...un espace où il pourrait rencontrer d’autres acteurs, se perfectionner, repenser et approfondir ses choix artistiques, développer son jeu et s’épanouir, pour me rendre compte…. Que ce lieu n’existait pas et qu’il fallait le créer. J’ai voulu cet espace pour réaliser un rêve…

Le mien, mais aussi celui de beaucoup d’autres. Un lieu où l’acteur, par l’échange, le travail et l’entraînement, devient source d'expressivité,

producteur d'émotion et de pensée.

Un lieu privilégié où l’acteur peut à tout moment se retrouver, se ressourcer, évoluer, expérimenter de nouvelles voies, rencontrer, échanger, créer, découvrir, s'ouvrir, s'envoler, devenir indépendant, faire des choix artistiques et des choix humains, s'investir, s'engager, ne pas se perdre, ne pas se disperser, ne pas se laisser envahir, aimer, partager, transmettre, et croire en l'art, croire en lui, croire en l'homme.

"La carrière d'un acteur se développe en public,

mais son art se développe en privé".

Goethe

Lancé dans la vie professionnelle, l’acteur peut être vu comme un produit fini, sans espoir d’évolution artistique… Happé par la mouvance du métier il ne se permet plus de prendre des risques, de se mettre en danger, de développer son imagination, d'inventer, de se réinventer sans cesse…

Aire de Jeu s'est attaché la collaboration d'une diversité d'intervenants, forts d’une riche expérience professionnelle, venant d'horizons culturels et artistiques différents. Aire de Jeu, offre à l’acteur, confirmé ou en herbe, la possibilité de cheminement à travers l’ensemble des ateliers proposés, d'organiser son parcours selon ses besoins et ses objectifs personnels et artistiques, et à échapper à la pensée univoque.

Car, même si la tradition du jeu de l’acteur a été créée par un “maître”, cette tradition se transmet, transformée, enrichie par chacun des “disciples”. L’acteur apprend ainsi à forger son instrument, à acquérir, selon ses besoins les connaissances nécessaires, à affirmer son identité artistique, son orientation esthétique, à défendre une éthique. Il garde l’art vivant et son apprentissage aussi.

... Ce n’est pas une école, ni un enseignement supérieur de spécialisation, ni même un producteur de talent d’un jour. C’est avant tout un lieu professionnel, par des professionnels, pour des professionnels.

 

A visiter nos écoles d'art dramatique, on constate combien peu de chose leur semble nécessaire pour faire de quelqu'un un comédien. Elles enseignent un brin d'élocution distincte, un peu de gymnastique, quelques expressions destinées à rendre des sentiments déterminés, le maquillage et la mémorisation. On y étudie des pièces anciennes et l'on veille dès le tout début à ce que l'élève mette le plus de passion possible dans son jeu et "sorte" le moins possible de son rôle. On admet que le talent porte en lui, de manière innée, tout ce qu'une pièce peut nécessiter : 

la passion de Roméo (et sa manière d'aimer), la passion de Lear (et la manière 

dont il désire être aimé), l'orgueil de Hedda Gabler et l'ambition de Lady Macbeth. On attend de lui qu'il contamine pour ainsi dire les spectateurs, que l'on espère de la sorte satisfaire.

Pour ancien que soit l'art dramatique, en dehors de quelques bonnes descriptions de la manière dont de grands comédiens ont interprété des rôles ou des scènes précises, il n'existe pratiquement plus que le livre pas tellement ancien du metteur en scène russe Stanislavski pour en traiter. Ce livre indique quelques exercices et conseils qui visent à permettre au comédien de trouver un ton donnant l'impression de la vérité et de la conserver tout au long des représentations. Il fait preuve de séreux, il place l'art dramatique à un rang élevé et lui confère une grande responsabilité ; cependant, une étude rigoureuse révèle qu'on n'y trouve guère de réponse à la question : que doit apprendre et faire un comédien qui a pris conscience de sa responsabilité, s'il veut maîtriser sa tâche, représenter la vie sociale des hommes ?

(Extrait de "L'art du comédien". L'Arche ed. 1999)

Brecht n'est ni un praticien ni un pédagogue du jeu dramatique au même titre que Louis Jouvet ou Constantin Stanislavski. Il est auteur, metteur en scène, poéticien du théâtre, et c'est en tant que tel qu'il traite de l'art du comédien. On ne trouvera pas dans les textes rassemblés dans l'Art du Comédien un  "système" ou une méthode de formation de l'acteur. Il s'agit de notes et de développements de longueur variable sur la relation de l'acteur au personnage et au spectateur pensée dans une poétique générale du théâtre.

Ani HAMEL